La cave

En l’espace de 25 ans, j’ai pas mal évolué dans ma pratique en cave. Ça s’est fait progressivement mais toujours dans le sens de la recherche de plus de sapidité, de fraîcheur, de tension dans les vins.
Cette tension dans les vins, selon moi, elle est notamment apportée par la vinification en vendange entière, non égrappée. Ça amène un côté végétal, pas herbacé, un végétal positif, une fraîcheur intéressante. J’ai le sentiment que les rafles fixent la texture du vin. Donc je privilégie la vendange non égrappée, sans être jusqu’au-boutiste. Les proportions peuvent varier selon le millésime et la maturité des rafles. J’ai éraflé à peine 20% en 2010, mais la totalité de la vendange en 2014.

En 2010, je me suis équipé en froid. J’ai gagné en pureté de fruit en faisant des macérations préfermentaires à froid de 4-5 jours à 13°. Je macère, je ne fermente pas à froid. Quand tu trouves le fruit primaire, le fruit du raisin, tu gommes au départ la sensation alcooleuse à venir, ça tempère. Le terroir reprend le dessus au bout de 5-6 ans.
Les 2012 par exemple, ils titrent 15°, il faut les boire à 13-15°, mais on n’est pas brûlé par l’alcool, la matière n’est pas exubérante, ce sont de beaux vins digestes. Les vacqueyras ont gagné en équilibre, ils se “bourguignonisent” au fil du temps.
Depuis 2008, j’ai levé le pied sur les extractions, les vins ont gagné en finesse. La vendange est désormais travaillée en petites cuves béton par un pigeage et un remontage par jour pendant huit à dix jours. Au total, les macérations durent souvent un peu plus d’un mois. Ensuite les vins sont travaillés sur lies fines, qui les nourrissent, leur donnent de l’ampleur, et ils sont peu soutirés, pour garder un maximum de gaz carbonique et éviter les sulfitages excessifs.

Jusqu’en 1993, l’élevage se faisait dans de très vieux foudres. Je les ai remplacés par des barriques. Je suis fan des élevages en bois. Ça ouvre, ça complexifie les arômes, ça rend les vins plus larges et plus tendus, on ressent une ampleur sur toute la durée du vin, ça donne beaucoup de noblesse. Il y a un épanouissement du vin.
De 1995 à 2012, le travail d’élevage s’est fait exclusivement en barriques. En 2010, j’ai acheté un premier foudre à la tonnellerie Rousseau en Bourgogne et, depuis, presque un chaque année. Les gigondas sont élevés en foudres, les beaumes-de-venise en barriques, les vacqueyras en barriques et demi-muids.
La recherche se poursuit. Sur le millésime 2014, dans l’assemblage en foudre neuf du mourvèdre du plateau des garrigues et du grenache de la Grande Bouïssière, le mourvèdre tend plus encore le vin, qui est d’une finesse incroyable, très long en bouche, d’une grande sapidité avec une dominante aromatique florale, de fruits des bois. Le respect du fruit est plus fort que dans l’assemblage de la Font de Tonin que je faisais en barriques. Le vin a gagné en élégance et en caractère, avec une très fine amertume, un toucher plus minéral.

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